Nu.
Au-dessus de lui, le tumulte du monde couvre jusqu’à son souffle. Souffle calme, placide, le souffle d’un dormeur. Mais Sikarian ne dort pas, il veille. Les ténèbres et l’obscurité dansent, virevoltent, tout autour de lui. Rien ne lui permet de s’orienter si ce n’est le bruissement d’un vent glacial à travers la cage et le feulement de la frêle couche de paille sur laquelle il gît.
Il y a ces barreaux. D’un doigt chétif, un doigt d’enfant, il en trace les pourtours, s’attardant sur la lourde chaîne qui en ferme l’ouverture, pour laisser sa main fragile retomber sur le sol. Il tente de regarder autour de lui, tout est noir. Il n’y a que ces bruits banals que l’on devine, ces ombres qui hantent, l’humidité et le froid de la geôle pour l’accompagner.
Dans son esprit d’enfant, il lui paraissait normal d’être prêt à tout pour achever sa formation, de se soumettre aux ordres qu’on lui donnait, aussi cruels soient-ils. Il ignorait tout du pourquoi de sa présence ici. Une fois de plus, il n’avait fait qu’obéir, pensant que ses précepteurs savaient ce qui était le mieux pour lui.
Les poignets pourtant liés, il ne se sent pas prisonnier. Ou bien s’il l’est, c’est en volontaire. Il ne leur en veut pas. Les journées passent lentement, égrenées par la rumeur distante de la vie au-dessus de lui. Assis à même la pierre, il attend fébrilement que l’on vienne le chercher, l’extirper de ce cachot qui n’en est pas un, de cette ultime épreuve. Lorsque la nuit venait, l’enfant se recroquevillait sur lui-même, sans savoir pourquoi, dans un accès de fragilité. Il croyait percevoir des murmures, reflets de ses pensées. Il se savait ici pour une bonne raison, mais comment pouvait-on laisser ses maîtres ainsi le (dé)considérer ?
De nombreuses choses lui échappaient. L’épuisement qui s’était emparé de lui l’empêchait de comprendre. Il était soumis, pliait sous le poids d’une volonté qui lui semblait divine. Un mouvement. Vertige. Puis plus rien. Le silence le plus absolu.
Le Temps ne semble plus exister ici, peut-être est-ce cela que l'on souhaite lui inculquer…