Assise au sommet de la tour des marches de l'Ouest, j'attendais. Je guettais le lever du soleil, lorsque sa lumière vêtirait le ciel d'une robe d'or et de carmin, un signe de la vie, un signe de notre réussite peut-être. Depuis combien de temps étais-je déjà ici ? J'avais compté les étoiles, contemplé la lune jusqu'à ce que les premières lueurs de l'aube les efface. A présent la colline des sentinelles s'agitait. Ce serait bientôt l'heure.
D'un bond souple je me lançai dans les airs et attérit aux pieds de la tour. Hunkel arrivait, nous ne tarderions pas à partir.
Quelques temps plus tard, je ne saurai dire combien de temps exactement, nous étions en route pour Ruisselune, traversant les fermes ravagées par les bandits qu'on nomme, souvent avec crainte, les Défias. Les toits de la petite ville se détachaient de l'horizon et nous avançions, infatiguables, toujours au même rythme, déterminés à récolter ce qui, peut-être, permettrait à Méliandre de recouvrer la vue.
Ruisselune cachait en effet une entrée vers des souterrains, un passage vers les Mortes mines, référence sans doute aux nombreux gardiens qui l'habitent, prêts à abattre le moindre intrus. Pénétrant dans les ténèbres, un bruit sourd et régulier de piolets qui frappent sans relâche la roche envahissaient l'espace et couvraient nos pas. Aussi vite que possible nous filions. Par chance nous connaissions déjà ces mines et c'est sans peine que nous trouvâmes la grande forge. Un énorme gobelin gardait l'entrée de la crique souterraine et le seul moyen d'y arriver était de l'abattre. Il fallait faire vite, la patrouille ne tarderait pas à venir.
Nous filions de nouveau, toujours plus vite. Si nous trainions, ce serait prendre le risque de se faire attraper. Qui sait de quoi les Défias seraient capables ? Un peu plus loin, une nouvelle porte nous faisait barrage. Elle semblait solide, impossible à ouvrir à moins d'avoir un crocheteur émérite ou la bonne clef en notre possession, ce qui n'était pas le cas. Hunkel m'adressa un sourire et je compris l'idée qu'il avait en tête. Certes notre discretion nous ferait désormais défaut, mais nous étions arrivés. Derrière la porte l'eau nous servirait d'abri. Je vis le guerrier allumer la mêche du canon, braqué sur la porte. Je m'accroupis et bouchai mes oreilles lorsqu'une énorme explosion retenti, couvrant la puissante voix d'Hunkel qui hurlait "Feeeu !"
L'eau, froide mais limpide. Pure comme l'exigeait le rituel. Elle provenait sans doute d'une source toute proche ou de la rivière qui séparait Elwynn, les bois de la pénombre des Marches de l'ouest. Je me hissais sur une barque, suivie de près par Hunkel. J'emplis alors la fiole de cristal avec précaution, jusqu'à la moitié seulement pour laisser la place à ceux qui poursuivraient son remplissage.
Le guerrier me fit signe, l'alerte était donnée, ils nous cherchaient. Mes vêtements collaient à ma peau et ce fut d'un pas maladroit que je me dirigeait vers un passage, une sortie. Jettant un dernier regard au cuirassé amaré j'empruntai le tunnel, précédée d'Hunkel.